dimanche 10 mai 2009

Mon travail: kesako?

J'en entends déjà: c'est bien beau la Bolivie, tout ça, mais c'est quoi ton boulot en fait? Oui, c'est vrai, je n'ai pas encore bien expliqué en quoi consiste mon travail. Alors pour couper net les mauvaises langues qui voudraient insinuer que je suis en vacances, voici quelques éclairages.


Tu bosses pour qui?
Je travaille comme coopérante internationale pour une ONG belge qui s'appelle Volens, au moins jusque fin 2010. Mon équipe (AMAC2, c'est son nom, mais on l'a rebaptisée Ayumbi, un petit oiseau) a comme objectif "d'appuyer les organisations indigènes et leurs membres dans leur production, élaboration et commercialisation de produits agro-forestiers de la zone, dans le cadre d’une gestion territoriale durable". Aider les gens à mieux vivre de leur travail, agricole donc. Elle est composée de 4 coopérants: Christine Peltre, française, chargée du renforcement organisationnel, Sara Vaianella, italienne, chargée de l'appui en comptabilité/administration, Dominique Hubin, belge, chargé de l'appui agronomique et moi, chargée de l'appui en transformation alimentaire. On est chapeautés par Jan DeWaegemaeker, coordinateur régional, et on travaille aussi avec deux coopérants de l'équipe AMAC3, Eric Dechamp, spécialisé en technologies appropriées et respect de l'environnement, et Pierre Laviolette, spécialisé en méthodologie.


Mais vous appuyez qui? On appuie 4 organisations partenaires (OP):

  • La première, CIMCI (Centrale Intercommunale de Femmes Capitaines de l'Isoso), est une organisation exclusivement féminine, composée de femmes des 31 communautés guarani de la région géographique de l'Isoso.


  • Ensuite, les deux APG. APG signifie Association du Peuple Guarani, il en existe plusieurs dans le pays, et de différents niveaux (communal, zonal, départemental, national). Nous aidons l'APG zonale Yacuiba (qui fédère les APG communales des 17 communautés guarani autour de la ville de Yacuiba), et l'APG zonale Villamontes (idem pour les 13 communautés autour de la ville de Villamontes).


  • Et enfin la communauté de Camatindi, composés de gens qui sont est descendus de l'Altiplano profiter de la redistribution des terres dans le Chaco (qui ne sont donc pas guarani mais "colones" comme on dit ici).

Et tu fais quoi concrètement?

Je suis conseillère en transformation alimentaire. En clair, j'appuie des groupes de personnes qui souhaitent transformer leurs produits agricoles ou améliorer leur activité existante. Cette année, il y en a 9 (au delà c'est difficile d'effectuer un suivi convenable): farine d'algarrobo, savon, shampooing, et peut-être farine de poisson pour CIMCI; confitures et autres dérivés de fruits, dérivés de tomates et un autre groupe de shampooing pour l'APG VM; beurre de cacahouète pour l'APG Yacuiba; et dérivés de maïs (ah ben qd même on est en Bolivie ou quoi) pour Camatindi.

Cet appui se traduit par des formations purement techniques (comment on fait pour faire du savon? pour faire de la -bonne- confiture?) mais dans la majorité des cas comme on peut s'en douter, les groupes savent déjà faire un bon produit et mon appui consiste alors à les aider sur d'autres sujets: standardisation et suivi de la qualité, hygiène et bonnes pratiques de fabrication, normes alimentaires du pays, recherche de meilleurs emballages, de nouveaux marchés, valorisation des déchets...

En plus de ces formations, l'équipe peut aider des groupes, leurs communautés ou les OP porteurs de projets à la présentation de propositions pour recevoir des financements de divers bailleurs de fond (ambassades, organismes privés, etc.). Il s'agit de petites sommes, destinées à financer du matériel, un bâtiment, etc. Par exemple en mai on a aidé a la rédaction d'un projet concernant la construction d'un hangar agricole servant également à récolter des eaux pluviales, un projet de financement de matériel apicole, un projet de rénovation d'une maison en bureau régional, un projet d'installation d'une unité de transformation de la cacahouète, et un projet de financement de matériel de couture.

Et pour finir, on a deux autres outils a disposition: les pasantias, qui sont des échanges d'expériences entre personnes "de la base". Des personnes qu'on appuie vont visiter d'autres personnes. Ces échanges ont un triple intérêt: découverte de ce qui se fait ailleurs, découverte de ses propres capacités, échange et bout de vie commune. J'ai justement organisé une pasantia "champu" (shampooing) en mai, qui fera l'objet d'une autre page. Et les appuis ponctuels, qui sont en fait l'embauche de courte durée (1-6 mois) d'un pro pour fournir ses services dans un domaine qui nous dépasse (architecture, apiculture, vidéo...).

Et tout cela est passionnant!!

Le 1er mai au bord du Pilcomayo

Nous avons passé le premier mai au bord du Pilcomayo avec Suzanne et Berio, le propriétaire de notre maison. Berio est Weenhayek. Les Weenhayek sont un peuple de quelques milliers de personnes en Bolivie (un peu plus en Argentine, là-bas ils ont le nom de Wichis), et possèdent leur langue et leurs traditions. Semi-nomades (ce qui a tendance à changer), chasseurs cueilleurs et surtout pêcheurs, ils ont l'exclusivité de la pêche à Villamontes et s'entendent mal avec les sédentaires Guaranis qui ne respectent pas cette exclusivité. Ils ont aussi un artisanat remarquable qui fera l'objet d'une autre page de ce blog. Et donc pendant qu'avec Suzanne on buvait du maté, lui a préparé des poissons sabalos "al palo" (au baton), méthode traditionnelle. C'était très bon!
En Bolivie on boit le maté avec du sucre (à la différence de l'Argentine), sinon les boliviens le trouvent trop amer. Bon il faut dire qu'en Bolivie on mange et on boit TOUT avec du sucre, beaucoup de sucre. Le diabète est un problème de santé publique.

Pour la méthode al palo, le poisson est ouvert en deux comme un sandwich, vidé, salé et coincé entre des bouts de bois verts, de certaines essences qui ne lui donnent pas de goût amer. Puis il cuit lentement à la braise et perd ainsi sa graisse. Tout un art!