vendredi 26 novembre 2010

Dernier voyage à l'Isoso

Déjà!
Ces deux années sont passées en courant!
Déjà l'heure de dire au revoir aux femmes, de donner les derniers conseils, et de faire avec elles un rapide bilan du programme. Avec Aude, ma fidèle équipière des rudes paysages isoceños, nous avons rendu visite aux groupes de La Brecha (shampooing), Aguaraigua (shampooing), Ibasiriri (cupesi), Yapiroa (savon) et Kapeatindi (savon).
Après une petite phrase pour expliquer la suite des évènements, à savoir que nous partons mais que d'autres coopérants viendront prendre la relève à partir de mars 2011, nous avons demandé aux femmes de nous dire ce qu'elles retiennent de ces trois ans avec Volens: le positif, le négatif, leurs souhaits et leurs remarques pour le prochain programme.
Dans certains groupes, on a noté une difficulté à tirer des conclusions et formuler des critiques. Résumer presque trois ans en cinq minutes n'a rien d'un exercice facile quand on n'y est pas habitué. D'autres groupes se sont montrés plus loquaces, et finalement quelques conclusions générales ont pu se dessiner:
- les formations et leurs suivis réguliers doivent absolument continuer et se renforcer, car seul le temps et la répétition permet leur assimilation à long terme;
- pour pallier aux problèmes dus à la rotation excessive des personnes aux postes à responsabilités, il est préférable de former tout le groupe directement dans la communauté plutôt que quelques promotrices (dans le cas du renforcement organisationnel et comptable). Ainsi lorsque la comptable quitte son poste, une autre peut la remplacer plus facilement, plus besoin de recommencer toute la formation depuis le début;
- les groupes commencent à se sentir comme tels: les résultats positifs mentionnés ont tous porté sur la transmission de savoir des "anciennes" aux "nouvelles", sur la formation de leaders et l'utilisation d'outils de suivi de l'activité du groupe (registres comptables, livres d'actes). Les membres pressentent l'importance de leur rôle de contrôle social et veulent apprendre à exiger des comptes de leurs élues.
A la fin de ces réunions, nous avons passé sur l'ordinateur d'Aude le film réalisé par Marcelo Perez, un argentin venu filmer le travail de Volens dans l'Isoso sur les trois années. Puis nous avons quitté toutes ces petites dames, le coeur un peu serré de tourner la page de deux ans si riches en expériences et si intéressants humainement.
"Nous voulons que des coopérants Volens reviennent, pour continuer de partager avec nous leur vision du futur" (Luisa Yerema, Ibasiriri). Je termine cette mission avec de la satisfaction et beaucoup d'espoir car sans que cela ait été dit de manière ouverte, les groupes ont opéré un changement de mentalité: on note une envie de chacun d'être plus participatif, de s'intéresser et de prendre part aux décisions. Les groupes ont des objectifs, des projets et cherchent à les faire aboutir, avec ou sans aide de Volens. On quitte l'attitude de receveur, résultat typique des politiques condescendantes d'assistanat, pour devenir acteur.
Quant à moi, je rentre en métropole pour débuter mi-décembre une autre mission passionnante: promouvoir l'achat collectif et solidaire de terres agricoles pour favoriser le maintien d'une agriculture de proximité, respectueuse de l'environnement et créatrice de lien social. Pour en savoir plus, allez donc visiter le site de l'association Terre de Liens!

samedi 11 septembre 2010

La feria de la Tradicion de Charagua

Le 11 septembre était organisée la 5è édition de la Foire de la Tradition de la ville de Charagua, province Cordillera, département de Santa Cruz. Cette petite ville d'environ 5000 habitants est la capitale du canton, le plus étendu de Bolivie géographiquement et l'un des plus peuplés en Guarani. Il comprend la région isolée de l'Isoso. Alors quoi de plus naturel que de faire participer des représentantes des groupes de la CIMCI? Avec l'appui de la Mairie, 6 femmes de 4 groupes ont été invitées: 1 du groupe savon de la communauté de Kapeatindi, 1 du groupe couture de Kapeatindi, 2 du groupe cupesi (haricots comestibles) d'Ibasiriri, et 2 du groupe shampooing d'Aguaraigua.
Toutes sont arrivées le jour précédent pour peindre des banderoles et orner leurs produits avec mon aide et celle d'Aude Rossignol, coopérante chargée de la communication, dans une ambiance de bonne humeur et d'entraide malgré l'heure tardive. Le jour J, nous avons installé les stands, entre l'artisanat de tissage, les articles de cuir et de bois et la nourriture typique. Les 6 femmes ont répondu aux questions des passants curieux et vendu leurs produits jusqu'à environ 17h, heure du taxi retour vers chez elles. Ce fut un jour plutôt satisfaisant, et avant de partir deux groupes ont décidé de réinvestir une partie de l'argent gagné dans de la marchandise pour leur petit magasin (tongs, bijoux de pacotille, médicaments, nourriture) et dans de la graisse de vache pour refaire du savon.
Au-delà des rentrées d'argent, cette évènement fut surtout une expérience positive de rencontre entre tous les participants de la foire. Les femmes se sont faites connaître de Charagua et ont discuté avec des personnes intéressées par leurs produits. Ainsi peu à peu elles se constituent un carnet d'adresses et un réseau de contacts. Elles ont également gagné de la confiance en elles et apprennent à faire la promotion de leurs produits. Maintenant leur prochain défi est la victoire sur leur timidité pour aller haranguer les passants!!

mardi 10 août 2010

Retour de vacances, échange Guarani-Ménonite

De retour de vacances (qui furent intenses, merci à tous!), me revoilà plongée dans le travail jusqu'au cou. Pour une remise dans le bain rapide et efficace, nous avons organisé avec Sara un échange entre les femmes Guarani et des Ménonites qui vivent dans des colonies voisines de l'Isoso. Cet échange fait suite à celui de l'an dernier, où les Ménonites avaient invité les Guarani chez elles pour leur montrer comment elles faisaient leur savon pour le linge. Cette fois-ci, trois couples Ménonites ont visité la communauté guarani de Kapeatindi.
Les Ménonites (=Amish?) forment un peuple issu d'un mouvement religieux du XVIe siècle, contraint en grande partie à fuir les persécutions européenes dans d'autres pays, principalement d'Amérique du Nord et du Sud. Ils vivent coupés du monde "moderne" (pour les plus radicaux) selon des valeurs de foi, de travail et de paix. En Bolivie, ils habitent des petites maisons très coquettes avec chacune son éolienne, ses vaches et sa charette à cheval, cultivent la terre et font commerce de lait, beurre et fromage. Ils sont tous habillés de la même façon, les hommes en chemise, salopette de jean et chapeau ou casquette, et les femmes en robe longue sombre, voile et chapeau de paille. Ils sont tous très blancs, souvent blonds aux yeux clairs et parlent le "bajo aleman" (vieux dialecte allemand proche du néerlandais). Si les hommes se débrouillent en espagnol grâce au contact régulier des Boliviens, les femmes ne sortent pour ainsi dire jamais de la colonie. Des échanges sont organisés entre colonies, pour faire se rencontrer les jeunes qui iront ensuite se marier avant de s'installer ensemble.
Les Guarani quant à eux s'unissent mais ne se marient pas. Ils vivent à plusieurs générations sous un toit, et presque tous les hommes désertent la communauté environ 6 mois de l'année pour aller récolter la canne à sucre, laissant les femmes s'organiser seules. Femmes dont il existe un nombre incalculables de mères célibataires, lorsque leur homme n'est pas revenu ou qu'il est allé s'unir à une autre. Inutile donc de dire que ces deux cultures, bien que frontalières géographiquement, sont diamétralement opposées.
Ces échanges ont été rendus possible grâce à la rencontre d'un fantastique couple de jeunes Ménonite américain, Elisabeth et Ramont, qui travaillent à Charagua pour le Comité Central Ménonite, dont l'objectif est répondre aux besoins humains de base et construire la paix et la justice (http://www.mcc.org/).
Nous sommes arrivés à deux voitures à Kapeatindi, chez des femmes qui travaillent dans un groupe de savon et de couture. Pour faciliter les premiers contacts, nous avons d'abord pris un petit déjeuner chez Elsa, membre du groupe savon et capitaine intercommunautaire du Haut Isoso. Puis les Guarani ont fait du savon pour le corps (jaboncillo) sous le regard intrigué des femmes Ménonites. Les hommes sont partis dans les champs se faire expliquer le système d'irrigation par un homme de la communauté, puis à leur retour les deux groupes se sont offert des petits cadeaux faits maison (habits pour enfant et savon pour le corps de la part des Guarani, tissus décoratifs pour la table et les chaises et savon pour le linge de la part des Ménonites). La journée s'est terminée par un déjeuner tardif, préparé par des femmes de la communauté.
Malgré la barrière de la langue (guarani contre vieil allemand, traduit en anglais par Elisabeth puis en espagnol par nous) et la timidité des deux côtés, nous avons pu noter un fort intérêt des uns pour les autres.
Ménonites:"Et à combien vivent-ils dans cette maison?"
Guarani:"Peuvent-elles nous expliquer comment elles arrivent à coudre ces petits motifs?"
Ménonites:"Et que cultivent-ils par ici?"
On ne sait pas encore quel sera l'impact de cette rencontre mais une chose est sûre, les participants auront des choses à raconter à leurs proches.

mercredi 30 juin 2010

Les toborochis et le Parapeti

Les toborochis et le Parapeti sont des élements fondamentaux du paysage de l'Isoso. Les premiers, ces grands arbres à la forme si particulière qui apportent ombrage et bois de chauffe méritent bien une petite page. Lors de leur floraison vers mars-avril, ils se parent de magnifiques fleurs roses ou blanches et bourdonnent d'abeilles. Puis viennent leurs fruits, des cosses déhiscentes d'où sortent un coton irisé tout doux, qui sert parfois à rembourrer des oreillers. On voit alors rouler sur le sable au gré du vent des graines de toborochi noires entourée d'un épais mais très aéré coton blanc et rond, comme autant d'oeufs de grenouille géants. Puis vient l'hiver et les toborochis quittent leurs feuilles pour qu'on puisse continuer à s'asseoir sur leurs grosses racines tout en profitant du soleil. Pas question pour les enfants de monter dans les branches pourtant: pour survivre à l'hostile Chaco, il est couvert de piquants de la tête aux pieds.
Le Parapeti est le fleuve le long duquel se trouvent les communautés (bientôt je mettrai des photos sur GoogleEarth). J'en ai déjà parlé, mais il est tellement beau et vital qu'on ne s'en lasse pas. Ce fleuve endoréique se perd dans l'immensité brûlante de l'Isoso, formant les Bañados de Isoso, région humide de lagunes au milieu de la forêt sèche où viennent s'abreuver les jaguars, tapirs et autres animaux que je n'ai évidemment jamais vus, mais je ne désespère pas d'y aller un jour. La biodiversité à cet endroit est exceptionnelle, c'est pourquoi tout le site est classé Ramsar (d'ailleurs 6% du territoire bolivien est classé Ramsar, soit 60 000 km2!!). Quand le Parapeti est à sec, on peut le traverser pour aller dans les communautés de l'autre rive. Quelquefois les vents soulèvent le sable et brouillent le paysage, qui devient magique. Et les appareils photos s'enraillent.