De retour de vacances (qui furent intenses, merci à tous!), me revoilà plongée dans le travail jusqu'au cou. Pour une remise dans le bain rapide et efficace, nous avons organisé avec Sara un échange entre les femmes Guarani et des Ménonites qui vivent dans des colonies voisines de l'Isoso. Cet échange fait suite à celui de l'an dernier, où les Ménonites avaient invité les Guarani chez elles pour leur montrer comment elles faisaient leur savon pour le linge. Cette fois-ci, trois couples Ménonites ont visité la communauté guarani de Kapeatindi.
Les Ménonites (=Amish?) forment un peuple issu d'un mouvement religieux du XVIe siècle, contraint en grande partie à fuir les persécutions européenes dans d'autres pays, principalement d'Amérique du Nord et du Sud. Ils vivent coupés du monde "moderne" (pour les plus radicaux) selon des valeurs de foi, de travail et de paix. En Bolivie, ils habitent des petites maisons très coquettes avec chacune son éolienne, ses vaches et sa charette à cheval, cultivent la terre et font commerce de lait, beurre et fromage. Ils sont tous habillés de la même façon, les hommes en chemise, salopette de jean et chapeau ou casquette, et les femmes en robe longue sombre, voile et chapeau de paille. Ils sont tous très blancs, souvent blonds aux yeux clairs et parlent le "bajo aleman" (vieux dialecte allemand proche du néerlandais). Si les hommes se débrouillent en espagnol grâce au contact régulier des Boliviens, les femmes ne sortent pour ainsi dire jamais de la colonie. Des échanges sont organisés entre colonies, pour faire se rencontrer les jeunes qui iront ensuite se marier avant de s'installer ensemble.
Les Guarani quant à eux s'unissent mais ne se marient pas. Ils vivent à plusieurs générations sous un toit, et presque tous les hommes désertent la communauté environ 6 mois de l'année pour aller récolter la canne à sucre, laissant les femmes s'organiser seules. Femmes dont il existe un nombre incalculables de mères célibataires, lorsque leur homme n'est pas revenu ou qu'il est allé s'unir à une autre. Inutile donc de dire que ces deux cultures, bien que frontalières géographiquement, sont diamétralement opposées.
Ces échanges ont été rendus possible grâce à la rencontre d'un fantastique couple de jeunes Ménonite américain, Elisabeth et Ramont, qui travaillent à Charagua pour le Comité Central Ménonite, dont l'objectif est répondre aux besoins humains de base et construire la paix et la justice (http://www.mcc.org/).
Nous sommes arrivés à deux voitures à Kapeatindi, chez des femmes qui travaillent dans un groupe de savon et de couture. Pour faciliter les premiers contacts, nous avons d'abord pris un petit déjeuner chez Elsa, membre du groupe savon et capitaine intercommunautaire du Haut Isoso. Puis les Guarani ont fait du savon pour le corps (jaboncillo) sous le regard intrigué des femmes Ménonites. Les hommes sont partis dans les champs se faire expliquer le système d'irrigation par un homme de la communauté, puis à leur retour les deux groupes se sont offert des petits cadeaux faits maison (habits pour enfant et savon pour le corps de la part des Guarani, tissus décoratifs pour la table et les chaises et savon pour le linge de la part des Ménonites). La journée s'est terminée par un déjeuner tardif, préparé par des femmes de la communauté.
Malgré la barrière de la langue (guarani contre vieil allemand, traduit en anglais par Elisabeth puis en espagnol par nous) et la timidité des deux côtés, nous avons pu noter un fort intérêt des uns pour les autres.
Ménonites:"Et à combien vivent-ils dans cette maison?"
Guarani:"Peuvent-elles nous expliquer comment elles arrivent à coudre ces petits motifs?"
Ménonites:"Et que cultivent-ils par ici?"
On ne sait pas encore quel sera l'impact de cette rencontre mais une chose est sûre, les participants auront des choses à raconter à leurs proches.