Les activités des mois de mai et juin se sont concentrée dans la région de l'Isoso en ce qui me concerne, les groupes des autres régions étant provisoirement (?) occupés ailleurs. 5 voyages en 2 mois, de quoi avancer sur plusieurs fronts.
J'ai commencé par donner plusieurs tallers pompeusement nommés "organisation de la production", alors qu'en réalité nous n'avons qu'à peine touché ce sujet, force étant de constater qu'il fallait tout reprendre depuis le début. Avant de réféchir à comment organiser le travail dans l'atelier, il fallait organiser l'atelier lui-même. Avec chaque groupe, nous avons donc rangé et nettoyé à fond le local dans lequel se passe l'activité de transformation (et en déloger les rats, lézards et monceaux de... de tas de trucs inutilisés), puis je leur ai expliqué pourquoi et comment garder propre et rangé leur lieu de travail en utilisant deux méthodes simples, les 5 S et FIFO. Cela peut paraître évident pour nous européens qui vivons dans le culte du "range ta chambre" et sous le règne de l'aseptisation, mais le contexte isocéño est radicalement différent.
D'abord il y a peu d'eau, qu'il faut aller chercher au puits, on lave donc ce qui est nécessaire mais on ne se permet pas le luxe de lessiver toute surface dès que la frénésie de la propreté s'empare de nous. Et puis de toute façon, à quoi bon lessiver un sol et des murs en terre (qui s'effrite)? Ensuite on peut balayer et épousseter, le vent quasi constant soulève des nuages et finit invariablement sa course à travers les fenêtres (sans vitre). On ne s'alarme plus du premier grain de poussière dans ces conditions. Enfin, ici la place ne manque pas et le soleil brille. L'espace habité ne se réduit pas à la maison qu'on pourrait plutôt comparer à une grosse boîte fourre tout, et la salle de séjour serait tout ce qui est autour. Les arbres sont des étagères dans lesquels pendent des vieux vélos, des pneus, des brics et brocs divers. Devant la maison se trouvent des chaises pour recevoir les invités. Et derrière la maison se trouve le feu et les ustensiles de cuisine. "A l'intérieur, chaque chose à sa place et une place pour chaque chose, en ne gardant que l'utile" laisse dubitatif ou au mieux, fait sourire.
Tout cela ne va donc pas de soi, et un travail de longue haleine a été commencé avec chaque groupe. Parce que quand même, le savon est plus présentable sans la couche de poussière qui le recouvre, et la farine de cupesi se vendra mieux dans des sachets exempts de traces de dents rongeuses. Quant à planifier à l'avance les productions pour anticiper le moment où on va manquer d'un ingrédient, on verra plus tard.
D'autres voyages ont été l'occasion de discuter présentation des produits (savon, shampooing et après shampooing, farine de cupesi) entre Aude et les groupes, l'idée étant de dessiner des étiquettes à partir des souhaits des dames, et de trouver dans la nature des matières, feuilles, fleurs, fibres, qui donne une jolie finition au produit (lors de ventes dans des ferias, par exemple). Un sceau en métal pour marquer le savon a aussi été élaboré à partir de ces réunions.
L'un de ces voyages a été l'occasion d'accompagner des hommes de Yacuiba pour la construction de deux silos de stockage du cupesi, dans l'objectif à court terme de se débarrasser d'un petit coléoptère qui fait des ravage dans les gousses récoltées et la farine. Des essais vont suivre pour les tuer avant stockage, soit au four à pain, soit par insecticide (mais cette dernière solution ne me plaît guère).
Enfin j'ai donné un taller de biscuits de cupesi, faits à avec de la farine de blé et de cupesi, des oeufs, de l'huile, du sucre, de la levure et un peu d'eau. En réalité les femmes en avaient déjà fait, mais elles voulaient se rafraîchir un peu la mémoire. Plus tard elles ont recommencé seules, mais certainement sans mettre les oeufs, l'huile, le sucre et la levure au vu le résultat. C'est comme ça qu'on invente des nouvelles saveurs et des variantes économiques, mais elles ont finalement décidé d'écrire ensemble la recette!